Pour une meilleure compréhension de la diversité francophone d’un océan à l’autre

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Adéla Šebková, doctorante en sociolinguistique, parcourt présentement le Canada à la rencontre des francophones en situation minoritaire. Elle s'interroge sur les façons dont les locuteurs francophones natifs et les néo-locuteurs du français en situation minoritaire se représentent les variétés de français parlées dans les médias audiovisuels.

 

Il y a une dizaine d’années, j’ai moi-même été apprenante du français langue seconde. En voyageant en France, je m’étonnais souvent de la façon dont certaines personnes s’exprimaient autour de moi. En parcourant les différents coins du pays, je me demandais pourquoi je ne comprenais pas certains mots que j’entendais en Alsace, dans le sud de la France ou ailleurs. (Pourtant j’ai bien appris à parler français, n’est-ce pas? En tout cas, j’étais à peu près sûre de savoir comment désigner les choses qui m’entouraient, donc pourquoi de telles différences?)  

Plusieurs années plus tard, je suis devenue doctorante en sociolinguistique au Canada. J’ai appris qu’on pouvait parler le français, ou plutôt « les français », en fonction de l’endroit ou de la situation dans laquelle on se trouvait ou bien encore de la personne avec qui l’on parlait. J’ai également appris que la langue est difficilement séparable de ses locuteurs, car elle fait partie de leur identité, qu’elle est dotée d’un fort pouvoir symbolique et qu’elle régit les relations entre les personnes. J’ai aussi remarqué qu’elle fait réagir, mais pas toujours de manière positive : ainsi certaines personnes peuvent se sentir supérieures ou inférieures, simplement à cause de leur façon de parler, et ceci qu’elles soient natives du français ou apprenantes. (Mais pour quelles raisons? Parce qu’elles parlent différemment? Ben voyons, il n’y a pas de raison linguistique qui explique que certains usages soient meilleurs que d’autres, si?) Je voulais en savoir davantage. Dans tous les cas, j’ai compris que cela pourrait avoir une forte implication sociale, surtout dans des endroits où il se pose la question de la vitalité et la survie de la langue ou de ses variétés. Pour mieux comprendre, je suis donc partie à la découverte des différentes voix francophones à travers le Canada et je me suis engagée à valoriser davantage la diversité linguistique, notamment via l’onglet francophone de l’application Mauril.

Sur la route, je me demandais si les gens percevaient eux aussi ces différences linguistiques et comment elles influencent leurs vies quotidiennes. En observant, j’ai pu remarquer que les francophones en milieu minoritaire ne se sentent pas assez reconnus à l’échelle de la francophonie canadienne, qu’ils ne s’entendent pas assez et qu’ils ne trouvent pas toujours leur façon de parler comme légitime et prestigieuse, notamment parce que leurs usages très hétérogènes ne sont pas toujours perçus comme une force. Ils comparent parfois leur parler avec le français québécois ou le français de France — bref, avec des normes du français qui ne sont pas forcément les leurs, mais qui sont socialement valorisées. Du côté des apprenants du français, qui constituent un important apport à la francophonie locale, la situation ne semble pas être facile non plus : il faut évoluer dans un environnement où plusieurs normes se font concurrence — celle de l’école et celle(s) parlée(s) au sein de la communauté, souvent très diversifiée. Bref, ce n'est pas toujours le même français que l’on entend partout.

En réfléchissant sur ces observations, je me suis rendu compte du rôle que l’application Mauril a à jouer dans cette réalité. En effet, Mauril encourage non seulement l’apprentissage du français, mais « des français » parlés au Canada. En reflétant la diversité des répertoires linguistiques, l’application contribue à une meilleure compréhension des réalités canadiennes, facilitant ainsi les relations des apprenants avec les autres francophiles ou francophones. Le potentiel de Mauril a également une dimension symbolique pour les francophones natifs. En tant qu’instance éducative, Mauril valorise la pluralité des normes en faisant entendre les différents usages locaux, ce qui peut aider les locuteurs à combattre l’insécurité linguistique. Son rôle est donc peut-être même plus important que l’on aurait pu le croire.

À voir aussi : 

La série de capsules vidéo À la découverte des communautés francophones en situation minoritaire sur notre compte YouTube

En complément :

Une doctorante parcourt le Canada pour étudier la francophonie minoritaire 

Une étudiante en sociolinguistique s'intéresse au Grand Sudbury 

La sociolinguistique et la sécurité linguistique 

Entrevue avec Adéla Šebková : Minorités francophones hors Québec 

 

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